Sunday, Mar. 25, 2007
Des participants se rassemblent à un pique-nique à Montfort sur Meu pour soutenir 23 Maliens menacés de reconduite à la frontière.
L’immigration est peut-être un sujet brûlant de la campagne électorale pour les présidentielles, mais qui aurait pensé que cela pouvait déclencher une telle fureur dans cette calme petite ville rurale de Montfort sur Meu en Bretagne? Mais contrairement aux positions sur l’immigration intransigeantes, à résonance souvent xénophobe de certains candidats aux présidentiellles, les gens sympathiques de Montfort exigent le retour et la régularisation des 23 Maliens clandestins arrêtés pour être reconduits à la frontière alors qu’ils allaient au travail le mois dernier.
« Ces gens sont nos voisins, nos amis, des membres respectés de cette communauté, et nous voulons qu’il reviennent maintenant » ! insiste Claudine Rochefort à la tête du collectif Mali-Montfort qui a rallié les gens de la commune pour dénoncer les arrestations. « Il ne s’agit pas de politique. Ce sont les gens qui réagissent avec leur coeur à ce qu’ils considèrent comme une tragique injustice ».
Et voilà ce qui est curieux : Aucun des presque 6000 habitants de Montfort ( sur une population totale de 6500) qui ont demandé le retour des Maliens ne conteste le fait que ceux qui ont été arrêtés étaient en France illégalement, certains d’entre eux utilisant de faux papiers et de faux permis de travail. Ils ont peut-être enfreint la loi, disent ceux qui les soutiennent mais regardez à quel point ils contribuent à la vie de la communauté. La plupart vivent à Montfort depuis 2002, date à laquelle ils ont été recrutés par l’abattoir local à la recherche de main d’oeuvre. Même si la plus grande partie du travail consistait à tuer des cochons, les Maliens musulmans prenaient leur long poste du matin, de bonne heure, avec vigueur et enthousiasme, ayant progressivement acquis la cadence et le savoir-faire ils étaient devenus des ouvriers très appréciés. Une bonne partie de leurs salaires étaient envoyés à leurs familles au Mali - l’un des pays les plus pauvres au monde- mais les Maliens de Montfort gardaient suffisamment pour participer pleinement à la vie municipale. Ils louaient des logements en ville , jouaient au foot dans l’équipe locale, encadraient les plus jeunes ; ils apprenaient à lire et à écrire, et amélioraient leur français ; ils participaient aux activités municipales et aux festivals ; ils invitaient et étaient reçus chez les gens de Montfort. Sidy Coulibaly qui a été expulsé vivait avec une jeune femme de Montfort depuis 3 ans , elle est enceinte de 5 mois de son premier enfant.
« Chaque fois que vous allumez la télé, la radio ou ouvrez un journal, les gens parlent de la menace que représente l’immigration et du fait que les immigrants et leurs enfants ne s’intègrent pas dans la société française », remarque Serge Houngbedji, un chef d’entreprise qui est l’un des rares habitants noirs nés en France de Montfort. « Vous voyez ici l’exemple de 23 cas de parfaite intégration d’immigrés remplissant les fonctions dont la communauté a besoin et on les rafle et les expulse parce qu’ils n’ont pas les bons papiers . Ca ne va pas.»
Un jeune Malien Montfortais ajoute : « Il faut que les gens sachent que lorsque ces Maliens ont été arrêtés et qu’on leur a dit qu’ils seraient expulsés, tout ce qu’ils avaient prévu et espéraient pour l’avenir s’est évanoui. C’est bien plus qu’une tragédie. C’est comme si toute votre vie mourait et que vous étiez obligé de continuer de vivre ».
Pratiquement tout le monde en ville semble d’accord. Le conseil municipal de Montfort a fait appel pour obtenir que les Maliens soient libérés et régularisés étant donné le bien-fondé de leurs situations. Leur employeur a fait les demandes de permis de travail qui permettraient aux Maliens d’obtenir des visas de résidence, remarquant que la production de son entreprise de presque 700 travailleurs a baissé de presque 10% depuis leur arrestation. Les pétitions demandant le retour des Maliens ont rasemblé entre 4000 et 6000 signatures, les commerçants de Montfort ont manifesté leur solidarité ent attachant des bandes de tissu blanc devant leur boutique ; et les manifestations et rassemblements continuent d’attirer des foules nombreuses.
« Tout le monde sait que le contrôle de l’immigration est un mal nécessaire, mais même les maux ont un coeur », dit l’employée d’un supermarché local qui ne nous donne que son prénom : Linda. « Ces Maliens sont dans nos coeurs maintenant , et si les autorités françaises qui appliquent les lois sur l’immigration ne sont pas touchées, alors j’aurai honte d’être française ».
Malgré l’attention nationale et le soutien suscité par la campagne en faveur des Maliens, les autorités restent inflexibles. Nicolas Sarkozy, le candidat conservateur à la présidence continue de marteler son message de durcissement du contrôle de l’immigration et a même soulevé des protestations parmi ses propres partisans quand il a promis de créer un ministère de l’immigration et de l’identité nationale ».
En attendant, Sarkozy en tant que Ministre de l’Intérieur maintient que la loi doit être appliquée même s’il propose que les Maliens de Montfort se voient accorder un traitement préférentiel s’ils retournent au Mali et font une demande de visa de séjour. « Pas question » disent ceux qui les soutiennent.
« La loi de Sarkozy lui-même interdit aux étrangers expulsés et coupables de crimes de retourner en France pendant 5 ans », remarque Claudine Rochefort- qui pense également que cette rafle-surprise avait une visée politique. Il essaie de séduire les électeurs d’extrême droite avec son message contre les immigrés cette opération signifiait: « Voyez, je peux aller les chercher même dans de petites communes rurales de Bretagne ».
Les habitants de Montfort sont déterminés à continuer d’attirer l’attention jusqu’à ce que tous les 23 soient libres de revenir dans leur commune avec des papiers. Cette semaine , ils ont reçu le soutien du candidat malien aux présidentielles Tiabali Dram, qui pendant presque 20 ans a vécu en France comme exilé politique, et a salué « la gentillesse, la charité et l’humanité traditionnelles que la France a offert et offre aux immigrants. ». Il a ajouté : Certains en France veulent que cela change, mais je viens à Montfort aujourd’hui et je remercie ses habitants qui manifestent que cette tradition est toujours vivante ». Le sort des 23 Maliens arrêtés dans cette ville, cependant, dépend de l’accord ou du désaccord des électeurs français.